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« Tous ces ‘’faux français’’ ralliés aux Anglais, tous ces Français tremblants et veules, leur vraie faute c’est non pas la trahison mais le défaitisme. Le défaitiste proteste qu’il n’est pas traître. Il veut servir. Il est persuadé de servir, servir au mieux son pays. Mais croyant à la défaite de son pays, voyant cette défaite définitive ou la pressentant inévitable, il estime, esprit faible ou retors, que pour sauver ce qui peut encore être sauvé il faut tenir compte de ce fait il faut prendre son parti de ce qui n’est plus évitable, qu’il faut tirer parti de la défaite, le meilleur parti possible, le plus tôt possible, crainte que bientôt tout soit irrémédiablement perdu.

Donc au plus tôt il faut cesser des hostilités déraisonnables dont le seul effet sera de rendre intraitable son ennemi et de provoquer de pires désastres ; au plus tôt, il faut ‘’causer’’ et, à défaut de force, rivaliser de finesse. Les obstinés sont des rêveurs dangereux. Le réalisme sain commande la sagesse des diplomates. Ils ne connaissent plus qu’un danger : celui qui provient des entêtements ou des excitations héroïques. A tout prix, il faut réduire à l’impuissance des illuminés d’autant plus redoutables que le populaire est plus sensible à leur facile éloquence, à leurs fulgurantes équipées, qui ne peuvent s’achever qu’en désespoirs sans remèdes.

Jeanne élève contre ce fait une protestation éclatante qui trouble toutes les certitudes, toutes les habiletés.

Voilà l’esprit des meilleurs parmi les Français ralliés depuis 1420 à l’Angleterre.

Tout les convie à cette sagesse : le fait et le droit.

Le fait, indéniable : un roi battu, un pays au trois quarts occupé, un misérable adolescent sans argent et sans énergie, à la dérive.

Le droit, non moins éclatant : le traité de Troyes reconnaissant le fait acquis de la conquête, la légalisant en niant même le titre que le Dauphin à un héritage illusoire, et y renonçant à y contrevenir. (…)

Or, c’est de ce fait que Saint Michel a dit à Jeanne que c’était une pitié !

Le jour où, à Vaucouleurs, puis à Chinon, elle apparaît au nom de Dieu, affirmant sa volonté de ‘’bouter les Anglais hors de France’’, Jeanne élève contre ce fait une protestation éclatante qui trouble toutes les certitudes, toutes les habiletés.

Aux yeux de tous les défaitistes, Jeanne est une protestation violente, acharnée contre leur système politique.

Jeanne nie la défaite : NON, le roi de France ne sera pas un Anglais ! NON, le Dauphin n’est pas battu ! NON, il n’est pas un bâtard ! NON, la conquête du sol n’est pas définitive ! NON, les Français ne seront pas Anglais ! Dieu NE LE VEUT PAS ! (…)

Aux yeux des défaitistes nantis, Jeanne est une folle dangereuse. Elle compromet tout. Voilà des années qu’on négocie. Elle annule tant d’efforts ! Cette illuminée entraîne la France aux catastrophes et du coup compromet l’Église. Il faut à tout prix s’en débarrasser ! »

Père Paul Doncoeur, sj (1880-1961), Qui a brûlé Jeanne d’Arc ?, Flammarion, 1931, p. 105-106

La photo représente la rencontre entre Ingrid Bergman et le Père Doncoeur à Hollywood à l’occasion du tournage du film de Victor Fleming Jeanne d’Arc,film dont il est le conseiller historique.