Comment obéir si ce n’est en nous insérant dans l’obéissance du Fils pour le Père? C’est en nous laissant conformer à l’obéissance du Christ que nous pourrons être toujours davantage disponibles à Dieu.
Par obéissance, le Fils de Dieu devient homme, et toute sa vie humaine reste l’expression de sa première obéissance. (…) Puisque nous sommes des croyants et devons marcher à la suite du Seigneur, il nous faut prendre son obéissance telle qu’elle est, ouverte et voilée, comme modèle de notre imitation. Puisqu’il ne peut nullement être question pour nous de reproduire les événements concrets de la vie du Seigneur, de nous faire des idées imaginaires et pleines d’illusions sur les situations d’alors pour les imiter ensuite tant bien que mal dans notre milieu de vie et en tirer nos décisions d’obéissance, il faut que notre obéissance parte immédiatement de notre vie quotidienne concrète et actuelle. (…)
Il faut donc inéluctablement actualiser son esprit dans notre vie quotidienne et le refléter aussi fidèlement que possible. Cela peut être le fruit de grâce de nombreuses méditations ; mais cela peut être aussi le fruit de grâce d’une simple disponibilité à écouter partout la voix du Seigneur. Il y a donc une voie qui consiste à prévoir la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui ou pouvons être demain ou n’importe quand ; il y a aussi l’autre voie qui consiste à laisser à elle_même cette situation et demeurer uniquement dans la prière, dans la présence du Christ et sa grâce constamment offerte, confiants que l’intercession de l’Église et de tous les saints nous procurera une grâce d’obéissance.
Il y a dans l’obéissance du Seigneur, tout ce qui se passe dans le silence du mystère entre lui et le Père.
Et ceci non en vertu d’un calcul, mais d’une disponibilité simple, générale, à l’obéissance, dans laquelle il nous est donné de persévérer. Cette généralité ne met pas en danger le particulier, car, à partir de ce qui est général, nous pouvons toujours juger le particulier. (…)
Il y a dans l’obéissance du Seigneur, tout ce qui se passe dans le silence du mystère entre lui et le Père. Bien que nous ne puissions jamais sonder ce mystère, nous savons pourtant que c’est un mystère de l’obéissance aimante. Ce mystère indicible est pour le Fils le centre, il est la source de tout ce qu’on peut voir de lui, et qui se présente non seulement dans une conformité approximative, amis dans une conformité exacte avec ce qui est caché.
C’est pourquoi, nous qui avons à suivre le Seigneur, il nous faut, dans le silence de la prière et de l’adoration, auquel le Seigneur lui-même nous renvoie, prier le Père de vouloir bien insérer notre présence dans celle de son Fils, notre existence actuelle dans son existence omniprésente, notre faible disponibilité dans la force de la sienne, notre obéissance de chrétien actuellement exigée dans son obéissance divino-humaine incessante, afin que nous ayons part dans la foi à son indicible mystère d’obéissance. Dieu veuille modeler notre imitation selon son bon plaisir et selon ce qu’il a décidé pour nous. Dieu veuille faire de notre oui une imitation du oui parfait de son Fils. »
Adrienne von Speyr (1902-1967), Le livre de l’obéissance (1966), Traduction française par R.Givord et J.Servais, Paris, Lethielleux, 1980, p. 84-87