Jeanne a admirablement exercé la vertu de prudence dans sa vie personnelle, militaire et politique. Elle est donc un exemple vers lequel se tourner pour acquérir et pratiquer cette disposition à bien choisir. Il convient d’abord de la définir.
Qu’est-ce que la prudence ? C’est l’une des quatre vertus cardinales qui perfectionne la raison dans son discernement du bon choix à poser en vue du bien. La prudence est une vertu intellectuelle qui se distingue de la science et de l’art :
Aristote « dit qu’étant donné que la prudence n’est pas une science, laquelle est un habitus démonstratif portant sur le nécessaire, et qu’elle n’est pas un art, lequel est un habitus qui fait produire avec raison, il reste que la prudence soit un habitus qui fasse agir avec raison vraie, quoique non sur des produits qui sont à l’extérieur de l’homme, mais sur des biens et des maux de l’homme même.
Saint Thomas souligne le lien entre la prudence et la tempérance, vertu qui vient perfectionner l’appétit concupiscible dont l’objet est les plaisirs sensibles. En effet, l’exercice de la prudence exige que l’appétit, le désir humain soit droit, rectifié, c’est-à-dire ordonné à son vrai bien. La prudence n’est pas une simple technique d’agir déconnectée du désir du bien objectif de la personne :
Aristote « dit que, parce que la prudence porte sur des biens ou des maux à opérer, il s’ensuit que la tempérance est appelée en grec sophrosyne, au sens de sauvant l’esprit, à partir de quoi aussi la prudence est dite phronesis. Or la tempérance, en tant qu’elle modère les plaisirs et les tristesses du toucher, sauve ce discernement, celui qui porte sur les actions à poser, bonnes ou mauvaises pour l’homme.
Cela devient manifeste par le contraire : le plaisant et le triste à modérer par la tempérance ne corrompt pas, du moins totalement, ni ne pervertit en portant au contraire, n’importe quel discernement, par exemple, spéculatif, par exemple, que le triangle a ou n’a pas trois angles égaux à deux droits. Inversement, le plaisir et la tristesse corrompent et pervertissent le discernement qui porte sur les actions à poser.
Il est manifeste, en effet, que les principes des actions à poser sont les fins en vue desquelles ces actions se font : les fins prennent, dans les actions à poser, la place que prennent les principes dans les démonstrations, comme il en a été traité au second [livre] de la Physique (ch. 9). Or, quand le plaisir ou la tristesse sont véhéments, l’homme a l’impression que le mieux soit ce par quoi il atteint le plaisir et échappe à la tristesse ; ainsi corrompu le jugement de sa raison, l’homme ne voit plus la vraie fin qui est le principe de la prudence en regard des opérations à poser, il ne la désire plus, et il ne lui paraît même plus qu’il faille tout choisir et opérer pour la fin vraie, mais plutôt pour le plaisir. N’importe quelle malice, en effet, c’est-à-dire n’importe quel habitus vicieux, corrompt le principe, pour autant qu’il corrompe le discernement correct de la fin. C’est d’ailleurs cette corruption que la tempérance empêche au plus haut point. »
Saint Thomas d’Aquin, Commentaire de l’Ethique à Nicomaque, n° 1166-1170