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Jeanne est la quintessence de l’esprit chevaleresque. Se mettre à son école, c’est embrasser cet esprit. « Tout cela est-il obsolète? » diront certains. Aux yeux du monde admiratif, un événement récent nous rappelle l’actualité de la chevalerie française.

Le geste d’Henri d’Anselme a impressionné. Cet homme de 24 ans s’est interposé à Annecy le jeudi 8 juin au matin entre un réfugié syrien armé d’un couteau et ses victimes innocentes. Très vite, il a été désigné comme un héros. Il a répondu à cela : « Il ne faut pas faire de moi un héros national car j’ai agi comme tout Français l’aurait fait à partir du moment où il accepte de relever la tête et de se battre contre le mal qu’il voit en face de lui et qu’il arrête de vouloir se soumettre. » Alors Henri d’Anselme est-il un héros ou pas ? On pourrait dire qu’il a fait preuve d’un héroïsme ordinaire. Mais cette expression n’est-elle pas un oxymore ? Ou bien, ne permettrait-elle pas de mieux saisir ce qu’est le véritable héroïsme, en le considérant à partir de son cœur qu’est l’exercice des vertus ? Le geste d’Henri d’Anselme serait alors proprement exemplaire, c’est-à-dire rendant attirant et contagieux le bien moral.

Henri d’Anselme a étudié la philosophie à l’IPC et est un habitué du pélerinage de Chartres ; c’est un jeune homme comme nous en connaissons tous des dizaines…

Dès lors, quand il dit qu’il a agi comme tout Français l’aurait fait, on peut estimer qu’il dit vrai, nonobstant sa belle modestie. Mais il apporte une condition nécessaire : « à partir du moment où il accepte de relever la tête ». Relever la tête, qu’est-ce à dire ? Un Français qui relève la tête est un Français qui renonce à la « politique de l’autruche », c’est-à-dire refuse cet esprit de compromission et de démission face aux différents maux qui gangrènent notre société.

Le mal prospère parce qu’il est commis par des individus injustes et maléfiques mais aussi parce qu’il est toléré par ceux qu’anime un esprit de soumission. Telle est la force d’intimidation de ce que saint Jean-Paul II nomme les structures de péché, contre lesquelles le chrétien cohérent doit lutter. Une structure de péché perdure parce qu’elle est consolidée par la multitude d’actes qu’elle incite à poser. Bref, une structure de péché tire sa force de la sédimentation des actes qu’elle encourage à poser : cercle vicieux.

Puisse son exemple nous encourager à vivre chaque jour selon l’ordre de la chrétienté, un ordre du cœur qui surabonde en actes vertueux et donc progressivement en institutions.

Mais loin de considérer que la structure de péché est un péché anonyme dont personne ne serait responsable, saint Jean-Paul II affirme au contraire qu’elle a été mise en place par des péchés personnels dont les auteurs auront à répondre. Cela permet aussi de comprendre qu’on lutte contre une structure de péché dès qu’on lui oppose des actes vertueux, fussent-ils apparemment « ordinaires ».

Ainsi l’acte d’Henri d’Anselme manifeste sa vertu de courage, dont la matière est la peur de la mort violente. Le courage ne consiste pas à ne pas avoir peur mais à ne pas se laisser déterminer par elle dans la réalisation du bien, en l’occurrence ici protéger des personnes en danger. Il affirme : « J’ai eu peur pour ma vie, mais j’ai surtout eu peur pour celle des autres. » Le motif de son acte courageux est la vertu de justice. La pratique d’une vertu exige, en effet, l’exercice des autres vertus car celles-ci sont connexes et forment comme un organisme intérieur au service de la réalisation du bien humain. La clef de voûte des vertus est la charité, vertu théologale, qui assume et parfait les vertus morales.

« Une force en moi, continue-t-il, m’a nourri depuis longtemps puisque j’ai la foi catholique qui m’a poussé à agir pour défendre ces enfants. C’était un réflexe de vrai chrétien puisque le vrai chrétien va défendre la veuve et l’orphelin. »

Henri d’Anselme témoigne aux yeux du monde de la vertu civilisatrice de la vie chrétienne. Lui l’amoureux des cathédrales, il a compris que celles-ci n’existent que parce qu’elles font corps avec la chrétienté dont l’autre institution centrale est la chevalerie : « C’est l’idéal chevaleresque, dit-il, celui qui a construit notre pays et qui a permis l’émergence des cathédrales. » Le chevalier est celui qui met sa force au service du faible. Henri d’Anselme est un héros ordinaire, c’est-à-dire un chevalier, c’est-à-dire un catholique cohérent. Puisse son exemple nous encourager à vivre chaque jour selon l’ordre de la chrétienté, un ordre du cœur qui surabonde en actes vertueux et donc progressivement en institutions, sédimentation et humus de ses mêmes actes.

Thibaud Collin