Le 3 mai 1966 des milliers de polonais se sont rassemblés à Jasna Góra, devant le tableau de ND de Częstochowa pour rendre grâce pour la présence du christianisme sur leur terre depuis mille ans et pour confier à Dieu leur patrie pour le prochain millénaire.
L e chant « Nous voulons Dieu » résonnait comme la voix d’une puissante armée sous le commandement du cardinal Stefan Wyszyński le Primat polonais. Et tous les polonais expatriés joignaient leur voix afin que ce chant traditionnel résonne sur tous les continents.
Le cardinal Wyszyński organisa à cette occasion de grandes récollections nationales suite à un programme de neuf années pastorales appelé la Grande Neuvaine qu’il avait préparé alors qu’il était emprisonné par les communistes entre 1955 et 1956. Cette neuvaine avait pour but de préparer le peuple polonais à fêter le millénaire et devait commencer par une consécration solennelle à Jasna Góra de toute la nation et de l’épiscopat.
Le programme de la Grande Neuvaine témoigne de l’exigence d’un comportement chrétien exemplaire: une seule conscience à la maison, au travail, à l’école, à l’université. Le chrétien qui toute sa vie éduque son caractère, combat ses défauts, un bon chrétien est un bon citoyen qui doit travailler pour le bien commun de son pays.
Les textes de la consécration étaient un programme de renaissance du christianisme en Pologne à travers une consécration personnelle à la Vierge Marie: par Marie vers le Christ.
Ce devait être un renouveau radical pour chaque chrétien: dans sa vie spirituelle, son mariage, sa vie familiale et sociale. Un programme non seulement spirituel mais aussi social et national.
Chaque année de la Grande Neuvaine était un catéchisme rappelant aux polonais sur quels fondements est basé le christianisme. Le baptême étant le premier d’entre eux, ainsi que les responsabilités qui lui sont liées.
Le cardinal Wyszyński était conscient des dégâts de la guerre et de l’époque du communisme ; avec ce programme, il voulait donner un exemple à suivre pour lutter contre le relativisme et le libéralisme moral, le mensonge et l’alcoolisme qui se répandaient dans la vie publique.
La jeunesse manquait de formation spirituelle: les communistes avaient interdit les associations catholiques, le scoutisme, seule l’Union de la Jeunesse Polonaise qui propageait l’idéologie marxiste existait encore.
Le temps montra que la majorité du peuple polonais se rangea derrière le Primat et le suivit avec ferveur, même des milieux non catholiques mais opposés au communisme se joignirent au mouvement. Le programme de la Grande Neuvaine et les foules se réunissant pour fêter l’anniversaire du baptême étaient un véritable souffle de liberté.
Pendant toute la durée de la Neuvaine une copie de ND de Częstochowa bénie par le Pape Pie XII en 1957 traversa le pays en pèlerinage. Le tableau devait visiter chaque paroisse.
Ce pèlerinage du tableau fût interprété par les communistes comme une manifestation politique, et le tableau fût plusieurs fois « arrêté » ; on changeait son itinéraire à la dernière minute, jusqu’à ce que les communistes le ramènent à Jasna Gora interdisant toute poursuite du pèlerinage.
Le cadre vide du tableau commença donc à traverser le pays, avec un évangéliaire et un cierge, ce qui fût un signe encore plus marquant de foi et d’opposition à l’asservissement.
La Grande Neuvaine pris fin le 9 avril 1966 à la cathédrale de Gniezno, berceau de l’Etat polonais. Et les grandes cérémonies eurent lieu à Jasna Gora le 3 mai 1966 avec la lecture de l’ « Akt oddania Polski w macierzyńską niewolę Maryi ». Les forces publiques se rendirent compte que le pouvoir sur les consciences leur échappait, et rapidement des évènements sportifs et autres furent organisés en même temps que les Messes pour concurrencer la Grande Neuvaine.
Mais les communistes perdirent face à Notre Dame, ils ne laissèrent cependant pas entrer le pape Paul VI sur le territoire polonais alors qu’il voulait présider les cérémonies à Jasna Góra. Le fauteuil du pape vide et la nomination du cardinal Wyszyński comme légat apostolique furent le symbole pour les polonais de la victoire de la foi sur le projet athéiste du pouvoir communiste.
La Grande Neuvaine et les récollections nationales ont été une formation spirituelle et sociale pour la génération des polonais qui ont fondèrent « Solidarność ». Les polonais, pendant la « Polska Ludowa » (appellation de la Pologne sous le régime communiste) gardèrent leur identité chrétienne grâce à cette initiative du Primat.
Karol Wojtyła le savait bien, c’est pour cela qu’il adressa ces mots au cardinal Wyszyński au moment de l’inauguration de son pontificat le 22 octobre 1978 « il n’y aurait pas ce pape polonais ici sans ta foi qui ne recula pas devant la souffrance et l’emprisonnement, sans ton espérance héroïque et ta consécration radicale à la Mère de l’Eglise ».
Zuzanna Kowalczyk